INQUIÈTE EST LA TÊTE QUI PORTE UNE COURONNE... (Partie 2)
- DIEUSAUVEMOI
- 15 août 2024
- 4 min de lecture
Avenue Éditoriale : No. 11, 15 août 2024
« Être ou ne pas être, telle est la question... »
Lorsque Hamlet nous énonce pour la première fois ce qui deviendra son plus célèbre soliloque, il s’adresse à la fois à l’intangible (cet autre dont il n’a pas conscience) et au tangible (le Moi dont il a conscience). Néanmoins, à partir du moment où Hamlet projette vers l’autre sa propre angoisse interne, il dévoile sa propre vérité universelle et invite l’autre à venir psychiquement s’y construire, s’y établir et s’y identifier. Et c’est ce que nous avons fait de manière inconsciente au fil du temps, tant à travers les hautes cultures que les cultures populaires du XXIe siècle. Dès que le soliloque est avancé, nous l’interprétons inévitablement comme une réflexion à huis clos sur le thème de notre propre existence. Vivre ou mourir ? Il n’y a que deux façons de se la représenter. Soit nous reprenons notre nature de somnambule, intégrant la question de manière lasse sans y prêter trop d’attention, soit nous y mettons notre nature consciente, ce qui fait jaillir sans faute l’angoisse universelle de la fin de notre propre vie. Cette tendance étrange est représentative de tout notre humanisme. En effet, l’être humain se construit dans son humanité à travers la place qu’il accorde à l’autre dans sa vie. Nous faisons référence ici au miroir qu’est cet autre (l’autre me reconnaît et me donne la possibilité d’exister dans sa pensée, donc JE SUIS) et à l’internalisation de l’autre en soi à travers les relations humaines (l’autre interagit avec mon Moi en tant qu’être qui existe, donc JE SUIS). Ce que nous avons donc fait de manière inconsciente à travers le soliloque de Hamlet, c’est tenter d’y voir une ressemblance avec nos propres vies. Mais l’angoisse d’Hamlet était-elle la même que la vôtre ? Hamlet porte une couronne usurpée acquise à travers le péché capital du meurtre. Inquiète est sa tête. Pourquoi vos têtes à vous devraient-elles être tout aussi inquiètes au point de développer une angoisse existentielle ? L’erreur commise par plusieurs générations est de s’identifier au statut de l’autre plutôt que de se structurer à travers la présence de celui-ci. Il en est de même lors de la compréhension de notre relation avec cette audience intangible mais omniprésente qu’est Dieu. Ne vous imaginez pas porter la même couronne et donc le même statut, puisque celui-ci ne serait qu’un fardeau insurmontable pour vos épaules et une usurpation d’identité et d’énergie qui ne causera que déséquilibre et peine.
Habituons-nous plutôt à la présence de la triade émanant de Dieu dans nos vies et qui serait hiérarchisée de la manière suivante : nature humaine, nature divine, Nature. Les trois natures revêtent chacune des symboles universels archaïques ayant existé depuis le début du Tout. La nature humaine, c’est le corps, le temple, le réceptacle à travers lequel l’humanisme ou les énergies du bon, du bien et du sacré peuvent se représenter sur Terre. La nature divine est la consécration de cette énergie, et la Nature est de l’ordre de l’énergie suprême qu’est la grâce. C’est en grâce que vous assimilerez facilement les éléments de l’amour, de la lumière et de la miséricorde. C’est en grâce que vous vivrez les vies dont vous avez tant rêvé en secret. C’est en grâce que vous effacerez douleur et chagrin et c’est en grâce que vous bâtirez un monde rempli de la véritable nature de l’humanisme. Pour l’instant, cette vision utopique du futur que nous souhaitons pour vous tous n’existe qu’à travers le soliloque que nous vous avons avancé aujourd’hui. Et tout comme Hamlet, nous espérons que vous serez attiré par cette Nature qui vous interpelle constamment et souhaite votre retour au bercail, votre véritable bercail, ce paradis où votre lumière rendra obsolète toute tentative de manifestation de votre ombre. Toutefois, alors que les frontières entre les hautes cultures et la culture populaire se brouillent, l’adolescent hypermoderne est un parfait exemple des difficultés qui nous attendent face à la représentation de la Nature dans l’imaginaire de nos nouvelles générations. L’identité se construit désormais à travers la capacité de mimer ses pairs plutôt qu’à travers sa capacité à entrer en relation interpersonnelle symbolique et se construire dans le regard de l’autre. Nous nous mettons toujours à nu, en soliloquant pour l’autre, mais avec la différence étant que l’autre est tout aussi somnambule que nous le sommes. La solution au problème que nous énumérons revient au même constat fait au début. Nous nous identifions à une illusion et nous lui accordons toute la place dans nos vies (la couronne usurpée). Mais au-delà de l’illusion se cache immuablement, la présence ou la véritable Nature de ce que nous mimons.
Prenez un moment afin de vous identifier à la présence de Hamlet dans votre vie plutôt qu’à une identification à son angoisse, sa psychologie complexe et la corruption de ses actes. Lorsque vous n’êtes pas illusoirement le statut de quelqu’un, vous cessez de vous voir vous-mêmes en tant qu’invincibles Rois et Reines pouvant décider et agir sans conséquences sur des peuples sur lesquels vous régnez. Désirer l’autre n’est pas un mal en soi mais désirer être l’autre ou désirer prendre pour soi ce qui appartient à l’existence de l’autre le serait certainement. Voici donc la différence entre choisir de s’octroyer un statut aux dépens de son prochain versus s’identifier à la présence de l’autre et s’y retrouver donc transformé en amour et lumière par la relation créée par la Nature.
Nous ne pouvons donc que réitérer:
« Inquiète est la tête qui porte une couronne. »
William Shakespeare, 'Henri IV, Acte 3, Scène 1'

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